08 mars 2007

Scandale permanent des hotlines surtaxées: l'exemple de NOOS

Lu sur Agoravox: http://www.agoravox.fr/tb_receive.php3?id_article=7931

Pronétaires de tous les pays, unissez-vous... contre les abus des hot-lines !

Nous disposons désormais d’un nouveau moyen pour faire face aux abus des hotlines: Internet et les vidéos blogs. Cet article explique, exemple personnel à l’appui, comment chacun d’entre nous peut agir individuellement pour essayer de faire changer les choses en s’armant d’une simple caméra, d’un peu d’ironie, et de beaucoup de patience...

Je suis sûr qu’un jour ou l’autre, vous avez déjà été « victime » d’un service clients (hotline) peu scrupuleux qui vous a gardé des dizaines de minutes au téléphone pour ne pas résoudre votre problème, et parfois en vous menant allégrement en bateau... La plupart des litiges sont occasionnés quand on a le malheur de devoir contacter le service clients d’un fournisseur d’accès à Internet, d’un cablo-opérateur ou d’un opérateur de téléphonie mobile...

Le problème des abus des hotlines payantes est un scandale qui a été dénoncé à maintes reprises par plusieurs associations de consommateurs, en particulier Que Choisir, ainsi que par de nombreux médias, tel le Journal du Net.

Depuis que j’ai lancé AgoraVox, parmi les articles qui m’ont le plus marqué, il y a sans aucun doute celui d’Alain Lambert, sénateur et ancien ministre du budget, qui relate ses mésaventures avec l’opérateur du câble Noos. J’ai été frappé par la démarché d’un sénateur qui, pour une fois, essaye de se mettre dans la peau d’un consommateur quelconque et essuie ainsi les plâtres cruellement... Force est de constater que même sa démarche, très originale et inédite, n’a pas rencontré le succès qu’il en espérait... D’ailleurs, il vient de résilier son abonnement, faute d’avoir réussi à régler son problème.

Après son article, j’ai pas mal échangé par e-mail avec Alain Lambert, qui m’a déclaré que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne voyait pas comment éviter une réglementation tant les opérateurs sont incorrigibles. Une phrase m’a beaucoup frappé : « Vous trouverez difficilement plus libéral que moi au plan économique, et pour que j’en arrive à penser à légiférer pour contenir leurs excès, c’est qu’il n’y a plus d’espoir. Le DGCCRF me le confirme régulièrement par mail. Il les voit chaque semaine, ils mentent, ne tiennent aucun de leurs engagements. Ce sont des marchands de soupe. Des bandits qui abusent de leur position ».

Malgré mon inexpérience totale dans le domaine, je me suis donc amusé d’abord à enregistrer et ensuite à filmer d’interminables appels avec la hotline de Noos, juste pour montrer à quel point, de temps en temps, on nous raconte n’importe quoi, uniquement dans le but de nous faire attendre en ligne au lieu de résoudre nos problèmes. Et parfois même en mentant de manière flagrante, en disant l’inverse de ce qui est marqué sur le site Web de l’opérateur (lequel, hélas pour eux, est filmé en simultané...). Avec la mise en ligne de cette vidéo, nous lançons également un appel à d’autres témoignages qui iraient dans ce sens, car notre quotidien est jalonné d’abus ou de situations surréalistes plus ou moins graves qu’il faut dénoncer, sans toutefois tomber dans le populisme ou la démagogie.

Internet, les médias citoyens et la démocratisation des technologies rendent tout ceci extrêmement simple. Désormais, un simple néophyte avec un téléphone ou un caméscope peut enregistrer, filmer et mettre en ligne tout ce qui lui arrive. Des sites très innovants comme DailyMotion permettent même d’enregistrer en direct vos vidéos et de les exporter dans un format universel (flash).

Je n’ai rien contre Noos en particulier, même si, moi qui suis abonné depuis une décennie avec eux (monopole du câble oblige), on me traite parfois au téléphone comme un gamin de dix ans... Autrement dit, je ne pense pas qu’ils soient pires que les autres opérateurs. Il s’agit là d’un fléau généralisé et peut-être sciemment organisé.

D’ailleurs, l’anecdote qui me concerne n’a rien de vraiment scandaleux en soi. J’ai entendu des histoires mille fois plus graves que la mienne. Mais au moins, ce qui m’est arrivé permet de lancer le débat, et d’initier, peut-être, une nouvelle forme de protestation citoyenne.

En deux mots, un jour, j’ai eu la « folle idée » de vouloir les chaînes Noos sur un deuxième appareil TV... Naïvement, possédant déjà deux décodeurs mais une seule carte, j’ai cru qu’il me fallait demander simplement une deuxième carte. Pas du tout ! Après d’interminables discussions (45 minutes de va-et-vient avec tous les services de Noos, que, hélas, je n’ai pas enregistrées), on m’explique d’abord que cela est possible mais uniquement en me rendant dans une agence. Ensuite, lors d’un deuxième appel, on me fait finalement comprendre que même si en théorie je n’ai besoin que d’une simple carte, en pratique je vais être obligé de louer un troisième décodeur et de payer l’intervention d’un installateur, malgré le fait que les deux décodeurs que j’ai marchent très bien, sans besoin de la moindre intervention. En appuyant sur le bouton vert "play" vous pouvez écouter quelques extraits "raccourcis" de l’enregistrement audio original (on peut avancer en bougeant la barre de défilement vers la droite). L’original complet est disponible à la fin de l’article (assez long en raison des interminables temps d’attente...).

EXTRAIT AUDIO DU 10/01/2006

Pris un peu en otage, et n’ayant d’autre choix que d’accepter, je me résigne au fait de devoir payer pour une intervention inutile et pour cet autre décodeur dont je n’ai pas besoin... Je m’apprête donc à effectuer mon troisième appel, deux jours plus tard, pour souscrire cet autre abonnement. Et là, surprise des surprises, on m’annonce que, malheureusement pour moi, les tarifs viennent tout juste de changer, et que ça va me coûter encore plus cher que prévu. Très étonné, j’ai le réflexe d’aller voir les tarifs sur leur site Web pendant la discussion, et je ne retrouve pas du tout ces nouveaux tarifs. Je le fais remarquer à mon sympathique interlocuteur, qui ne me croit pas. Je l’oblige alors à taper l’adresse de son site et à regarder l’offre qui est en ligne. Après de longues discussions, il ne trouve rien de mieux que de me raccrocher le téléphone au nez (pour voir la vidéo, cliquez sur la photo au format flash ou téléchargez le fichier wmv) !

EXTRAIT VIDEO DU 10/01/2006


Quand Noos me raccroche au nez (version courte)
Vidéo au format Windows Média Player


Morale :
trois coups de fils interminables, pour un total de 103 minutes, à 0,34 euros la minute, soit
35 euros, pour me faire raconter n’importe quoi et pour qu’en plus on me raccroche au nez !

A ce stade, dans l’attente d’une législation qui, curieusement, tarde à voir le jour, la seule chose que nous puissions faire, je crois, c’est d’utiliser la technologie, et un peu d’ironie, pour montrer publiquement, de manière massive, ce que ces hotlines font subir quotidiennement à leurs clients chéris... C’est entre autres pour cette raison que nous venons de lancer AgoraVox Tv qui est une plate-forme de diffusion de vidéos citoyennes liées à l’actualité (interviews, reportages, manifestations, grèves, etc.). Le service vient d’être lancé et permet à tout un chacun de soumettre en quelques clics une vidéo de manière très simple.

Comme me le confiait récemment Alain Lambert, « la question des services clients par hotlines va devenir un des sujets majeurs de révolte des consommateurs dans les mois et années qui viennent ».

Le terme révolte revêt une signification toute particulière pour moi depuis quelque temps...

Quand je pense à la révolte du pronétariat ou aux pronétaires en général, je n’ai pas du tout une vision théorique du phénomène. Comme le précise bien Joël de Rosnay dans l’ouvrage auquel j’ai collaboré, les pronétaires constituent une nouvelle classe d’usagers des réseaux numériques capables de produire, de diffuser, de vendre des contenus numériques non propriétaires. Les pronétaires sont donc les citoyens qui sont sur Internet, qui sont favorables à son essor, et qui l’utilisent pour atteindre leurs objectifs, et surtout pour défendre leurs intérêts ainsi que leurs droits.

Pour aller dans le même sens, et peut-être un peu plus loin, j’ajouterai que si les prolétaires, historiquement et étymologiquement, ne disposaient que de leur progéniture comme ressource (du latin « prole »), les pronétaires, eux, ne disposent que d’Internet et des outils de production numériques s’ils veulent se faire entendre...

Avec l’explosion du phénomène de la vidéo sur Internet, je pense que nous allons voir apparaître prochainement une nouvelle catégorie de vidéo-blogueurs que l’on pourrait appeler les "activistes" ou, si on veut enlever toute connotation politique, les "témoins citoyens". Il s’agit de tous ceux qui auront décidé de témoigner de certains dysfonctionnements graves de notre société en les filmant. Parfois, l’impact des images peut être bien plus percutant que celui de l’écrit. Vous avez beau décrire en long et en large que le système des hotlines payantes est inefficace et coûteux, si vous arrivez à le montrer avec une vidéo, l’impact peut être bien plus puissant.

Pour conclure, je pense qu’avec les vidéo-blogs, le phénomène de la vidéosurveillance va s’inverser. Jusqu’à présent, c’étaient les mairies et les magasins qui imposaient une vidéosurveillance, du haut vers le bas, afin de filmer les prétendus abus de leurs citoyens ou consommateurs. Maintenant, c’est l’inverse qui se produit. Avec leurs milliers de caméras, ce sont les citoyens qui décident d’aller filmer les conseils municipaux de leur ville pour témoigner des excès de certains hommes politiques, et les consommateurs feront de même avec des vendeurs peu scrupuleux. Voilà une facette de la "révolte du proNétariat", qui risque de ne pas plaire à tout le monde... Naturellement, ce processus n’est pas sans risques, et les dérives potentielles sont très fortes (populisme, manipulation des images, désinformation accrue...) mais le phénomène est inéluctable. A nous de trouver les garde-fous nécessaires pour minimiser les dérives potentielles.


Pour ceux qui n’ont pas peur de s’ennuyer, ou qui veulent vérifier les versions d’origine sans montage, voici les versions intégrales de l’appel du 10/01/2006 enregistré au format audio (mp3) ainsi que de l’appel du 12/01/2006 enregistré au format vidéo (flash et wmv) :

ENREGISTREMENT AUDIO COMPLET (10/01/2006)


ENREGISTREMENT VIDEO COMPLET (12/01/2006)


Quand Noos me raccroche au nez (version longue)
Vidéo au format Windows Media Player

Et pour vous montrer que Noos est loin d’être un cas isolé, une excellente vidéo (bien plus professionnelle que la mienne) qui concerne Wanadoo, réalisée par Julien Mabut (Jum Tv) et qui probablement attristera à nouveau le sénateur Lambert, puisque c’est son nouveau fournisseur d’accès à Internet...


Remerciements : l’illustration initiale, parue sur Les Echos, a été publiée avec l’accord de son auteur, le dessinateur Dimitri Champain

URL TRACKBACK : http://www.agoravox.fr/tb_receive.php3?id_article=7931

Aucun commentaire: