19 mars 2007

ANTHOLOGIE DU FLICAGE DES CHÔMEURS

paru sur cqfd

Mis à jour le :15 janvier 2006. .


« Fini le traitement égalitaire. Désormais, selon leur profil et leur positionnement sur le marché de l’emploi, ils seront orientés vers des parcours différenciés. Les chômeurs spécialisés des métiers en tension (hôtellerie, restauration, BTP), où les patrons cherchent de la main-d’oeuvre à bas coût, seront convoqués au moins tous les quinze jours à partir du premier entretien. Ils seront même détectés dès leur inscription aux ASSEDIC, qui auront accès aux plannings des ANPE pour leur fixer un rendez-vous express. [...] Cette fréquence des rendez-vous servira à maintenir la pression et à multiplier les radiations pour non-réponse à convocation ou refus d’emploi. Le suivi des chômeurs les plus difficilement reclassables sera carrément confié à des sociétés sous-traitantes de l’ANPE. »
L’Humanité,
02/01/05

« Vous n’imaginez pas le nombre de radiations ubuesques que l’on nous raconte, les agents de l’ANPE déprimés par les pressions. Et la mise en place du suivi mensuel des chômeurs, sous couvert d’être plus efficace, tient plus du bracelet électronique que de l’aide réelle ! Comment voulez-vous qu’un agent de l’ANPE, dont un sur quatre est déjà précaire, suive sérieusement quatre cents entretiens par mois ? »
Jacqueline Balsan
vice-présidente du Mouvement national des chômeurs et précaires
Libération, 07-08/01/05

« Aujourd’hui, mardi 13 décembre 2005, je viens d’assister à un “spectacle” hallucinant à l’ANPE de la cité Charles-Godon, Paris IXe. Convoqué à 14 heures pour un entretien individuel destiné, dans le cadre du plan de reconversion Villepin-machin-bidule, “à voir avec vous les modalités d’une reconversion,etc.”, je trouve devant l’ANPE un attroupement de trente personnes environ. Une manif ? Non. Des chômeurs attendant l’ouverture des portes, tous convoqués au même "entretien individuel”. [...] Cinq minutes plus tard, nous nous retrouvons à cinquante-sept chômeurs - j’ai compté ! - entassés dans une salle de trente places. Et là, surprise ! Une dame de l’ANPE arrive, pas très à l’aise : “Mesdames et messieurs, voilà. Dans le cadre du plan de reconversion machin-bidule, l’ANPE vous propose de participer à un stage de deux cents heures. ”Une voix s’élève dans la salle : “Pardon, Madame, sur la convocation, c’est écrit entretien individuel ! C’est quoi, ce délire ?” Le ton monte dans la salle. “Non, non, c’est une erreur. Il s’agit bien d’une réunion, une réunion de préparation à un stage.” “Mais quel stage ? On n’a pas demandé de stage !” “Un stage réservé aux bénéficiaires de l’ASS.” “Madame,je ne suis pas allocataire de l’ASS, pourquoi ai-je été convoqué ?” “Ah,euh ! Y a-t-il d’autres personnes dans ce cas ?” Cinq ou six personnes lèvent la main. [...] Et c’est alors, suspense, que la dame de l’ANPE, de plus en plus paumée et débordée de toutes parts, nous informe que le stage démarre le 14 décembre à dix heures, c’est-à-dire le lendemain même ! Chez les chômeurs, c’est l’escalade. “Et qu’est-ce qui se passe si on ne peut pas aller au stage ? On est radiés des listes ? Vous rouvrez Cayenne ? ” [...] Dix minutes plus tard, dans un bordel indescriptible, je quitte la salle après avoir indiqué que je n’avais rien à faire dans ce stage, suivi ou précédé par quelques autres. Mais que vont devenir mes collègues les cinquante-sept pékins ? Que va-t-il arriver à tous les chômeurs qui, pour une raison ou une autre, ne pourront être présents LE LENDEMAIN MATIN à Montrouge ou à Pétaouchnok, pour commencer un stage-poubelle-flicage de deux cents heures ? »
Jean-Jacques Reboux
témoignage disponible sur http://paris.indymedia.org

Anthologie publié dans le n° 30 de CQFD, janvier 2006.

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